Méthode ancienne de conservation des aliments, la lacto-fermentation revient sur le devant de la scène grâce à ses nombreux atouts : écologique, saine, simple, savoureuse, sans cuisson.
Depuis le néolithique, l’humanité utilise la fermentation pour conserver ses aliments afin d’assurer sa santé et sa survie. La bière, le cidre, le vin sont des jus de fruits fermentés ; le levain de la pâte à pain fermentée, les yaourts, le beurre, les fromages sont du lait fermenté… Et il y a bien d’autres aliments fermentés encore présents dans les rayons de nos magasins d’alimentation : cornichons, ketchup, etc.
Fermentation, salaison et déshydratation ont été les principaux moyens de conservation de nos aliments pendant des millénaires, jusqu’à l’invention de l’appertisation, de la pasteurisation, de la réfrigération et de la congélation au siècle dernier. Méthodes anciennes et savoir-faire ancestraux, un temps jetés aux oubliettes de la modernité, reviennent aujourd’hui sur le devant de la scène grâce à leur simplicité et à leur efficacité.
Le principe :
L’appellation « lacto-fermentation » fait référence aux ferments lactiques activés par le plus traditionnel des agents de conservation : le sel. Ce minéral essentiel à la vie sélectionne les bactéries bénéfiques qui préservent les aliments et élimine les pathogènes responsables du pourrissement. Les ferments lactiques se développent en anaérobie, dans le liquide de fermentation (saumure ou jus), en se nourrissant des glucides présents dans les végétaux et les transformant en acide lactique. Le liquide devient de plus en plus acide, prenant la saveur du vinaigre et lorsqu’il atteint l’acidité idéale (PH 4), les bactéries lactiques sont elles-mêmes inhibées et la préparation se stabilise pour une (très) longue conservation.
Les bénéfices :
À la différence des bocaux appertisés (bouillis) de nos grand-mères où le bacille toxique du botulisme est susceptible de se développer en cas d’erreur de cuisson, la lacto-fermentation ne présente aucun danger pour la santé. Ce procédé sans cuisson conserve les vitamines d’origine des aliments et les enrichit d’enzymes, de minéraux et de pro-biotiques bénéfiques pour notre flore intestinale et notre immunité.
Ingrédients et matériel nécessaires :
- Tous types de légumes frais (à l’exception des pommes de terre), si possible sans pesticides.
- Des épices et aromatiques, selon la saison et l’inspiration.
- Du sel naturel (sel gris de mer par exemple), non raffiné, ni iodé ni fluoré.
- De l’eau sans chlore : eau de source ou eau du robinet filtrée (ou au moins décantée : laisser une heure à l’air dans un récipient ouvert, le chlore s’évapore).
- Des bocaux en verre (de préférence à joint en caoutchouc qui assurent un résultat idéal). À défaut, les bocaux de confiture ou de cornichons avec couvercle en métal à vis peuvent faire l’affaire, mais il faut les surveiller pendant la semaine de fermentation et les risques de moisissures en surface, voire d’échec du processus, sont plus importants.
- Une planche à découper.
- Un couteau d’office.
- Une râpe.
- Une bouteille en verre (pour concocter la saumure).
- Une brosse à légumes.
- Une balance de cuisine.
La mise en bocal :
- Laver et passer les bocaux à l’eau bouillante.
- Rincer et brosser les légumes rapidement sans les éplucher – sauf si leur peau est trop dure pour être consommée –, une bonne partie des ferments et des vitamines sont sur la peau.
- Couper fin ou râper les légumes selon la texture et l’aspect souhaités, puis les tasser dans le bocal. Si vous préparez différents légumes, vous pouvez les mélanger avant la mise en bocal ou bien superposer les couches. Bien tasser en tout cas pour chasser l’air au maximum.
La phase de salage :
Le plus simple est de couvrir les légumes tassés dans le bocal avec de la saumure. Pour obtenir celle-ci, dissoudre dans la bouteille en verre 30 grammes de sel naturel (environ trois cuillères à soupe rases) dans 1 litre d’eau.
Une seconde méthode, utilisée pour la choucroute et le coleslaw (voir mes recettes plus bas), consiste à saler directement : c’est alors le jus des légumes que le sel fait dégorger qui servira de liquide de conservation. Le dosage dans ce cas est de 10 grammes de sel pour 1 kilo de légumes préparés et il faut impérativement peser les légumes et le sel pour que les proportions soient respectées. Légumes et sel sont malaxés avant de tasser le mélange dans le bocal.
La saumure – ou le jus – doit recouvrir le mélange et il faut laisser 2 centimètres entre la surface de la préparation et le haut du bocal car la fermentation peut la faire gonfler.
La fermeture des bocaux :
Ceux avec un joint en caoutchouc ont le grand avantage de laisser sortir les gaz sans laisser entrer l’air extérieur, ils peuvent donc être fermés et stockés immédiatement après leur préparation. Si vous utilisez un bocal avec un couvercle à vis, laissez-le légèrement dévissé pendant une semaine environ pour éviter tout risque d’éclatement sous la pression des gaz de fermentation, et posez-le sur une assiette au cas où il y aurait un débordement ; le couvercle est vissé à fond avant le rangement.
La lacto-fermentation est un processus alchimique empirique, l’aspect et la saveur varieront selon les légumes et les conditions de préparation mais, dans l’immense majorité des cas, vos préparations seront saines et savoureuses.
Le stockage :
Pour la bonne gestion du stock, qui peut grossir rapidement si on prend goût à cette méthode en saison d’abondance végétale, il s’avère utile de marquer la date de préparation et le nom des légumes utilisés avec un feutre permanent sur le bocal.
Les bocaux fermés stockés à température ambiante se conservent au moins un an et jusqu’à plusieurs années. L’apparence varie selon les légumes préparés, la coupe et l’alchimie. Les bocaux n’ont pas besoin d’être à l’abri de la lumière, ils peuvent être rangés sur une étagère pour décorer cuisine ou couloir.
La fermentation s’accomplit en huit à quinze jours : on attend donc au moins deux semaines avant de consommer sa préparation qui peut se conserver plusieurs années.
Dégustation :
À l’ouverture du bocal, un agréable parfum acidulé indique la réussite de la préparation. Au cas – très rare – où la fermentation aurait mal tourné, une mauvaise odeur le signale immédiatement.
Le goût sera de doux à très vinaigré selon le degré de fermentation.
D’éventuelles moisissures à la surface du mélange n’indiquent pas un échec de la lacto-fermentation mais une contamination de surface : comme pour les confitures, il suffit d’enlever la couche superficielle et le reste de la préparation est bonne à consommer, à moins qu’elle ne sente mauvais. En cas de doute, il n’y a pas de risque à goûter.
Une fois ouvert, le bocal est conservé au frigidaire et reste consommable pendant plusieurs mois à condition de prélever les portions de service avec un ustensile propre et de tasser le mélange restant dans son jus à l’intérieur du bocal. Pour la bonne conservation des lacto-fermentations entamées, ce qui a été sorti du bocal ne doit pas être remis dedans.
Recettes diverses :
Quand on aborde cette technique ancestrale et intuitive, tout un univers culinaire savoureux, créatif et coloré s’ouvre à nous. Je suggère de commencer par du classique : choux et légumes racines (carotte, panais, betterave, navet, radis…).
Une fois que vous aurez réussi et dégusté vos premières préparations et assimilé les principes de base de ce procédé, vous pourrez laisser libre cours à votre imagination et créer vos propres recettes avec les légumes de saison que vous achetez ou récoltez.
La betterave et le chou rouge donnent une belle couleur pourpre au jus et aux autres légumes – les navets rosiront à leur contact par exemple. Les légumes feuilles (épinards, chou kale, têtes d’orties…) et les fleurs comestibles (violettes, capucines, bourrache…) peuvent parfaitement être intégrés aux mélanges.